
Introduction
En 2011, après une très grave dépression et deux tentatives de suicide, j’ai été prise en charge par ma psychiatre, le Dr. Elisabeth Bottin de Béziers, qui continue à me suivre jusqu’à ce jour. Je lui dois ma vie actuelle et ma nouvelle existence, car c’est grâce à elle que je suis celle que je suis aujourd’hui. Je lui suis infiniment reconnaissante, car sans elle, je n’aurais jamais pu arriver là où je suis. Lors de notre première consultation, qui a duré plus d’une heure, elle a posé un diagnostic crucial : « Madame, vous n’êtes pas malade, mais vous souffrez de dysphorie de genre. »
Les mots résonnent profondément, et bien que je m’intéresse déjà à la transidentité à cette époque, c’est la première fois que j’entends ce terme. Qu’est-ce que cela signifie ? De quoi s’agit-il exactement ? Est-ce traitable ? Les questions fusent, et en professionnelle chevronnée, elle m’offre des explications claires. Tout devient soudainement logique pour moi. Je saisis pleinement ses explications, elles mettent des mots sur le mal-être que j’ai enduré pendant trente-neuf ans, touchant enfin la corde sensible de mes tourments.
Ainsi, je pourrai enfin entamer un processus de guérison et tourner la page sur cette histoire qui, jusqu’alors, restait sans explication concrète. Sans connaissance des exigences pour de telles démarches à l’époque, je décide de franchir le pas. Cependant, les choses ne se déroulent pas comme je l’avais espéré. Malgré toute ma détermination, il est crucial de comprendre qu’en 2011, les démarches médicales étaient bien plus compliquées qu’aujourd’hui, et les aspects administratifs semblaient rapidement insurmontables. L’annonce à ma famille s’est révélée être une véritable catastrophe…
Environ un an s’écoule, et malheureusement, je réalise que mon projet est alors irréalisable pour moi. À ce moment-là, ma santé et ma situation sont loin d’être favorables. En plein divorce complexe, venant de perdre la maison familiale, sans emploi, ma qualité de vie est des plus précaires. Je passe mes journées à prendre une quantité excessive de Lysanxia, entre six et huit par jour. Pour couronner le tout, ma famille est catégorique : ils n’acceptent pas mon projet. N’ayant pas la force de faire face à tout cela, je me replie une fois de plus sur moi-même, courbe l’échine, et suis contrainte d’admettre la réalité…
À la fin de 2012, je prends la décision d’abandonner mon projet initial. Je choisis de me reconstruire. Trois années passent, nous voici en 2015. Suivi par Pôle Emploi et constatant une nette amélioration de ma santé, on me propose une reconversion professionnelle dans le domaine de l’informatique, un domaine que j’apprécie particulièrement et pour lequel j’ai de bonnes compétences. Après avoir passé avec succès les tests, en septembre de la même année, j’intègre un centre de formation à Montpellier pour une durée de deux ans. Je m’investis pleinement, travaillant dur en journée et révisant les cours le soir dans ma chambre. Ma détermination à réussir est inébranlable…
Pendant cette formation, le soir, seule dans ma petite chambre, je suis constamment hantée par ce désir profond d’être enfin moi-même. Malgré le fait que la mère de mes enfants soit partie avec tous mes vêtements féminins, je recommence ma garde-robe. Chaussures, robes, pantalons féminins, chemisiers… C’est un besoin impérieux, vital pour moi. Ainsi, le soir venu, après le dîner, je me retire, je me vêts en femme, en MOI. À chaque fois, je ressens ce bien-être profond, c’est dans ces instants que je me sens véritablement vivante…
En septembre 2017, la fin de ma formation approche rapidement et je dois trouver un stage en entreprise de deux mois. C’est à Albi que je décroche cette opportunité, là où réside ma compagne de vie, que j’ai rencontrée en 2015. Elle a toujours été au courant de ma situation, la seule à cette époque à comprendre que je suis une femme au plus profond de moi. J’éprouve pour elle un amour inconditionnel. Je débute donc mon stage au sein de cette entreprise, où je travaille encore aujourd’hui.
Chaleureusement accueillie, tout se passe merveilleusement bien, je rencontre celui qui deviendra rapidement MON ami et mon plus grand soutien jusqu’à présent. Fin novembre.La fin de mon stage approche. Je suis agréablement surprise par une proposition inattendue : « Si tu obtiens ton diplôme, tu es bienvenue chez nous ». Cette nouvelle me remplit de joie, bien sûr. Je retourne à Montpellier pour passer mon examen, et termine deuxième de ma promotion. de retour à Albi pour retrouver celle que j’aime, le quatre décembre 2017, j’intègre mon poste au sein de ma société actuelle.
Je quitte enfin l’enfer de Béziers, avec ses problèmes et ma famille, mais malheureusement, cela signifie aussi temporairement la séparation avec mes enfants. À ce moment-là, mon fils n’a que quatorze ans et ma fille onze ans. C’est une douleur déchirante pour moi. Cependant, je comprends qu’il est essentiel pour moi de me reconstruire afin de pouvoir les retrouver dans de meilleures conditions plus tard.
Très vite, je prends un appartement. Par chance situé la porte juste à côté de celle qui m’accompagne. Très vite, j’ai la chance de récupérer mon fils. Entre 2017 et 2020, je vais me consacrer à mon travail, et au besoin de mon fils. Je sais très bien grâce à mon expérience passée que si je souhaite réussir mon projet, j’ai besoin d’une situation stable, d’avoir des personnes qui me soutiendront, de beaucoup de force, de détermination. J’en fais le constat aujourd’hui… Il ne faut rien prendre pour acquis Il faut beaucoup de force, d’énergie, pour que tout se déroule dans les meilleures conditions.
Le 17 mars 2020, une date que nous n’oublierons jamais. C’est le début du premier confinement dû à la COVID-19, et en raison de mes problèmes respiratoires, je suis considérée comme une personne à risque. Mon directeur prend alors, sans le savoir, la meilleure décision pour moi. Je suis confinée cinq jours sur cinq et placée en télétravail. Sans le vouloir et de manière indirecte, je suis libre. Libre de m’habiller comme je le souhaite. Chez moi, dans mon intimité, sans jugement de qui que ce soit. Quelle chance !!! Les mois passent et grandit en moi le besoin d’assumer pleinement qui je suis. Je réalise qu’il est temps de prendre cette fichue décision. C’est devenu simplement impossible… Les mois s’écoulent, et à ce moment précis, je comprends que je ne peux plus continuer à vivre ainsi.
C’est enfin le grand saut… Je reprends contact avec ma psychiatre à Béziers. Après avoir trouvé une endocrinologue prête à me recevoir, le rendez-vous est fixé pour octobre 2021. Elle m’indique les démarches à suivre, et je m’y engage pleinement. La machine est en marche. Le quinze décembre, je me présente pour mon deuxième rendez-vous avec elle. J’ai tous les documents requis, et après ses derniers conseils, voilà enfin l’ordonnance tant attendue. Mon passeport vers ma nouvelle vie, mon Graal.
C’est un moment inoubliable… Je sors de la pharmacie, monte dans ma voiture. À ce moment précis, je me laisse aller, les larmes coulent sans retenue. Le soir tombe, c’est l’heure de ma première prise de traitement. Ce souvenir est gravé en moi comme si c’était hier. Les émotions m’envahissent. Dans un tourbillon de joie, je mets la musique à fond, le son d’Indochine résonne, « Song for a Dream ». OUI, mon rêve va se réaliser !!!! Je chante à plein poumons. Les portes de mon monde s’ouvrent. Je suis et je reste à ce jour, malgré les défis qui ont suivi, la plus heureuse. La personne la plus importante dans ma vie, c’est MOI !!!
Fin de cette introduction.
